Autour des travaux du Pr Tania Li

Le retour sur la scène du développement agricole et rural de la grande plantation en monoculture est l’un des phénomènes marquants de ce début du XXIe siècle. Le terme de « plantationocène » a même été proposé[1], pour souligner la magnitude des transformations sociales et environnementales que ce développement produit à l’échelle planétaire. La dimension foncière des plantations industrielles a été largement travaillée par la recherche : la question des modalités d’acquisition des terres, en lien avec la problématique du land grabbing, celle des impacts sur les systèmes agraires locaux et leurs recompositions suite à la restructuration de l’espace, ont fait l’objet de nombreux travaux. Le Pôle foncier y a consacré une journée il y a quelques années.

Plusieurs recherches se sont par ailleurs centrées sur les relations de travail au sein des plantations, suivant la recommandation de Tania Li[2]. Elles permettent d’entrer dans le fonctionnement des entreprises, d’interroger les statuts sociaux et les conditions de travail, de situer les alternatives des ruraux dont les terres ont été cédées ou concédées aux grandes structures de plantation. Ces recherche actualisent les travaux autour de la notion d’enclave et des formes sociales qui lui sont associées.

Organisée autour du dernier livre de Tania Li et P. Semedi, Plantation Life: Corporate Occupation in Indonesia’s Oil Palm Zone[3], cette journée propose d’articuler les dimensions foncières et celles qui relèvent de l’organisation sociale et du contrôle de la force de travail dans ces configurations particulières. Elle offrira des éclairages variés sur ces questions, autour de cas en Indonésie, en Afrique Sub-saharienne et en Amérique Centrale. Le chapitre introductif est disponible au pied de page.

Pour suivre à distance : https://univ-montp3-fr.zoom.us/j/97375534260?pwd=SzUrMUhSRlZ1bzJUaHVHZ2hEUVVWQT09, Code secret : 843961


[1] Haraway D., 2015, « Anthropocene, capitalocene, plantationocene, chthulucene: Making kin », Environmental humanities, 6 (1): 159-165.

[2] Li T. M., 2011, « Centering labor in the land grab debate », The Journal of Peasant Studies, 38 (2): 281-298.

[3] i T. M. et Semedi P., 2021, Plantation Life: Corporate Occupation in Indonesia’s Oil Palm Zone, Duke University Press.


Détails de l’événement



Programme

  • Les relations de travail dans les plantations industrielles : introductionpar :  Fournier Anne ;
  • Plantations bring Jobs and Development: Reality, Alibi, or Myth ?

    Indonesia’s oil palm plantation corporations are allocated massive land concessions based on the argument that they bring jobs and development to remote areas. Yet decades of research have shown that the quality of plantation jobs is low and the loss of customary livelihoods severe. Why then do plantations continue to expand? To answer this question, Li explores the continued relevance of the colonial “myth of the lazy native;” the climate of impunity established with the eradication of the plantation workers’ union in 1966; and the promise that sustainability certification can turn “bad oil” into good.

  • L’emploi du pauvre. Travail en plantation et univers tactiques parmi les classes populaires au Camerounpar :  Vadot Guillaume ;

    Au Cameroun, les plantations industrielles ne constituent pas seulement d’immenses consommatrices de terres et de brutales coupures dans le paysage : elles sont aussi les premières employeuses après l’État. Y travailler constitue une expérience sociale possible et proche pour de très nombreux camerounais et camerounaises issues des classes populaires notamment rurales. Les aborder par le travail permet ainsi d’interroger avec plus d’acuité la manière dont ces entreprises-enclaves tiennent, se socialisent, en parvenant à s’intégrer à l’univers tactique bâti par ceux et (de plus en plus) celles qu’elles recrutent.

  • Migrants clandestins dans les forêts classées de Côte d’Ivoire, les fantassins de l’industrie du chocolat ?par :  Ruf François ;

    La filière cacao-chocolat se fait régulièrement attaquer comme agent de la déforestation, du travail des enfants, de maladies liées aux pesticides. Derrière le « cacao », sont parfois évoquées les responsabilités des multinationales qui achètent le cacao, beaucoup plus rarement des politiques publiques. En s’appuyant sur un discours proche du « greenwashing », les multinationales vendent aux consommateurs du nord l’image d’un cacao labellisé durable et éthique et se positionnent comme les garants des « bonnes pratiques agricoles ». Cette communication éclairera les conditions sociales, économiques et environnementales de la production dans les plantations familiales de cacao en Côte d’Ivoire.

  • Expansion des monocultures d’ananas et organisation segmentée du travail rural en contexte frontalier centraméricain (Costa Rica – Nicaragua)par :  Rodríguez Echavarría Tania ;

    Dans le nord du Costa Rica, la monoculture d’ananas a connu une très forte expansion depuis le début des années 2000. Nous nous concentrerons ici sur les impacts de l’extractivisme agraire en termes de relations de travail, autour de deux axes: d’un côté, les mutations du travail rural, entre recul du travail paysan (dépossession), imposition du travail industriel agricole (organisation fordiste du travail journalier) et dépendance de la main d’oeuvre migrante (ancrée et circulante); d’un autre côté, les logiques de segmentation, spécialisation et discrimination sur le marché du travail, par catégories de genre et de
    nationalité.