Double demi-journée d’animation thématique Pôle Foncier, Gret et Comité Technique “Foncier et Développement”
Lors de cette double demi-journée sera tout d’abord discuté une analyse réflexive de membres de l’équipe de recherche foncier du GRET sur leur travaux en Birmanie lors de l’ouverture politique du pays entre 2013 et 2021. L’après-midi sera dédiée à questionner la place du foncier rural dans les guerres civiles au Soudan et en Éthiopie. Étant donné la différence de nature de ces présentations – l’une proposant un retour réflexif au sein d’un travail de capitalisation, l’autre un travail sur des conflits en cours –, nous avons décidé de ne pas les unir complètement autour d’un thème commun.
Néanmoins, il nous semble essentiel de souligner que ces contributions alimentent un dialogue plus général sur les liens entre « foncier, conflit et violence », dans le fil de la réflexion actuelle et des évènements organisés par le Pôle Foncier. La problématisation conjointe de ces trois dimensions lie en filigrane l’ensemble des présentations de cette double demi-journée. Au-delà de la différence de nature de ces présentations, il y a donc un intérêt à comprendre leur contexte respectif, point de départ d’une possible mise en regard des différentes configurations des enjeux fonciers et de leurs analyses dans des espaces traversés par la violence.
L’Éthiopie, la Birmanie et le Soudan sont actuellement plongés dans des guerres civiles meurtrières. Bien que les conflits aient des raisons multiples qui divergent parfois entre les trois pays, des points communs peuvent être identifiés. Tout d’abord, un désastre humain commun, avec la moitié de la population du Soudan, un tiers de la population en Birmanie et plus d’un cinquième de celle de l’Éthiopie ayant un besoin urgent d’aide humanitaire. Des crimes contre l’humanité ont été commis dans les trois pays, notamment des violences sexuelles massives et des nettoyages ethniques (Tigré occidental en Éthiopie, État Arakanais en Birmanie, Darfour et surtout Al-Geneina au Soudan).
Les gouvernements centraux ont perdu le contrôle de vastes portions de leur territoire : un quart à un tiers pour l’Éthiopie, et plus de la moitié pour le Soudan et la Birmanie. On sait très peu de choses sur les systèmes de gouvernance alternatifs mis en place dans les zones « libérées » ou en « résistance ». Cependant, si ces guerres civiles résultent d’une crise politique et d’une contestation au niveau national (ou fédéral), elles sont également constituées d’une myriade de conflits locaux enchevêtrés dans des sociétés essentiellement agraires.
En Éthiopie, au Soudan et en Birmanie, la plupart des combats et des violences se déroulent actuellement dans les zones rurales. Les plus grandes batailles de la guerre du Tigré (2020-2022) se sont déroulées dans les zones rurales, tandis que celles du Darfour et du Kordofan sont ravagées. Les guerres actuelles dans les régions Oromia et Amhara en Éthiopie sont des contre-insurrections à grande échelle visant les groupes de guérilla rurale. En Birmanie, les campagnes de contre-insurrection et de pacification ont également lieu dans les zones rurales de la plupart des régions du pays (États Chin, Arakan, Kachin, Karen, Mon, Shan) ainsi que dans la zone sèche bamar du centre du pays.
Il est à noter que la présentation sur la Birmanie a trait à un travail effectué lors – et rendu largement possible par – l’ouverture politique du pays. Au lieu d’appréhender la période comme une transition « démocratique », il nous semble plus juste de l’aborder comme un moment de transition d’après-guerre. Ainsi, nous pouvons considérer les années 2010 comme un moment de changements intenses, contradictoires et multiformes au cours duquel un collectif de recherche s’est construit, sans présumer d’une progression linéaire et téléologique vers la démocratie libérale.
Dans ce contexte, cette double demi-journée vise 1) à analyser la pratique et l’engagement des chercheurs sur les questions foncières dans un contexte de transition traversé par la violence et 2) à analyser ce que les guerres actuelles doivent aux questions foncières et agraires et, en retour, comment la violence de guerre transforme les pratiques agricoles, les relations de propriété et les relations à la terre.