Les zones de moyenne montagne méditerranéenne subissent des mutations fortes dans leur construction territoriale, à la fois du fait de la disponibilité des ressources naturelles, et aussi des choix opérés par les Hommes pour leur mise en valeur.
La revalorisation des anciens systèmes hydrauliques cévenols s’inscrit dans une logique d’adaptation au changement climatique (Derioz et Follain, 2020 ; Laforgue, 2019) . Une diminution probable de 20 à 40 % des débits des rivières à l’horizon 2100, accentuant le risque d’érosion, d’incendies et de perte de fertilité des sols. Face à cette évolution, la gestion de l’eau agricole et écologique est désormais envisagée comme une question de paysage : la restauration de terrasses, la remise en valeur des zones humides et la reconstitution des ripisylves participent d’une stratégie d’adaptation écosystémique.
La gestion foncière accompagne ce mouvement. Les politiques territoriales cherchent à maintenir une activité agricole dans des espaces menacés par la friche et la fermeture du paysage. Le Parc national des Cévennes (2022) souligne que le foncier agricole y est extrêmement morcelé, souvent détenu par des propriétaires non-résidents, ce qui complique la transmission et la mise en valeur. Le retour de néo-ruraux et l’installation de nouvelles formes d’agriculture — notamment biologique et pastorale — modifient la répartition foncière et la fonction productive des terres. Dans un contexte de fragmentation parcellaire et de pression touristique, les acteurs locaux tentent de concilier la protection des paysages, la relance agricole et la lutte contre la spéculation. Les études de Follain et al. (2021) montrent que l’eau joue ici un rôle de médiation : sa gestion collective redonne cohérence à des espaces discontinus, en recréant un lien fonctionnel et symbolique entre les habitants, la terre et le milieu.
Ainsi, dans les Cévennes, les mutations récentes ne relèvent pas seulement d’une crise d’accès à la ressource, mais d’une redéfinition des rapports entre foncier, agriculture et environnement. Ce territoire illustre ainsi la transition vers une « hydrologie paysagère » (Chazée et Dumas, 2018), où la gestion foncière devient une composante de la résilience hydrique. L ’eau n’est plus seulement un flux à maîtriser, mais un élément structurant du territoire, porteur de mémoire et de résilience.
La recomposition foncière accompagne cette transformation. Dans un contexte de fragmentation parcellaire et de pression touristique, les acteurs locaux tentent de concilier la protection des paysages, la relance agricole et la lutte contre la spéculation. L’eau joue ici un rôle de médiation : sa gestion collective redonne cohérence à des espaces discontinus, en recréant un lien fonctionnel et symbolique entre les habitants, la terre et le milieu (Follain et al, 2021).
En Palestine, au-delà de la situation catastrophique actuelle, la relation entre le foncier, l’eau et le territoire s’inscrit dans une histoire longue où les transformations politiques, sociales et écologiques se répondent.
Les enjeux du foncier et de l’eau s’inscrivent eux aussi dans une profondeur historique, mais dans une dynamique inversée : celle d’une dépossession progressive des ressources qui structuraient le territoire. Depuis plus d’un siècle, la terre et l’eau constituent le fondement de l’organisation économique, sociale et politique de cet espace. Leur contrôle a toujours déterminé les équilibres de pouvoir et les formes d’habitation. Les systèmes agraires traditionnels, centrés sur la gestion communautaire des sols et des eaux, ont façonné une société où la fertilité, la propriété et l’appartenance étaient étroitement liées. Comme le souligne Rafeq (2018), la Palestine s’est construite historiquement comme un territoire hydraulique : les cultures en terrasses, les sources, les vallées irriguées de la montagne ou du Jourdain constituaient les structures matérielles et symboliques de la société.
La question du foncier et de l’eau en Palestine ne peut pas être comprise à travers une simple opposition entre pénurie et domination politique ; elle relève avant tout de la manière dont les régimes de tenure – c’est-à-dire les règles sociales, légales et symboliques qui organisent l’accès et l’usage des ressources – se sont transformés et superposés au fil du temps. En Palestine, la terre et l’eau forment un système de tenure imbriqué : chaque droit d’usage de l’eau est inscrit dans une relation à la terre, et inversement, chaque propriété foncière tire sa valeur et sa légitimité de son accès à l’eau.
Dans les sociétés rurales palestiniennes, les pratiques hydrauliques locales reposaient historiquement sur des arrangements communautaires fins, ancrés dans la gestion collective des sources, des citernes et des canaux d’irrigation. Ces institutions locales, souvent informelles, constituaient un système de régulation adaptatif et durable, où les droits d’usage de l’eau dépendaient des besoins agricoles, des cycles saisonniers et des équilibres sociaux.
Les politiques contemporaines de gestion de l’eau en Cisjordanie et à Gaza ont souvent cherché à introduire une gouvernance de type technocratique — rationalisée, mesurable, centralisée. Cette approche ignore les savoirs situés et les modes locaux d’usage, produisant une « hydrologie politique » où les discours de la science et du développement justifient des formes de contrôle spatial. Ce processus déterritorialise la ressource : l’eau devient un objet d’expertise plutôt qu’un élément du lien social et de la continuité territoriale.
Dans cette perspective, la gestion foncière palestinienne ne se réduit pas à un problème d’accès à la terre, mais à un effondrement de la cohérence entre tenure foncière et tenure hydrique. Les restrictions d’accès, les confiscations et la centralisation administrative ont rompu la continuité historique entre les deux. Là où autrefois chaque parcelle, chaque source et chaque canal formaient un système intégré, se dessine aujourd’hui un territoire fragmenté, où la gouvernance est éclatée entre multiples institutions sans coordination. La terre et l’eau, autrefois gérées comme un bien commun, sont désormais administrées selon des logiques séparées : la première par des régimes de propriété ou de confiscation, la seconde par des instruments techniques et politiques.
La journée d’animation permettra de mettre en lumière les trajectoires cévenoles et palestiniennes, deux territoires façonnés par des histoires et des contextes politiques très différents, mais unis par des enjeux communs : ceux de la terre et de l’eau. Loin d’aborder ces éléments comme des ressources séparées ou fragmentées, la rencontre propose de les considérer comme des ressources communes, constitutives des liens entre les sociétés humaines et leurs milieux. Dans les Cévennes comme en Palestine, la terre et l’eau ne sont pas seulement des biens matériels : elles représentent des supports de mémoire, de solidarité et d’identité territoriale. À travers ces parcours croisés, la journée cherchera à montrer comment la gestion du foncier et de l’eau — qu’il s’agisse des terrasses et des béals cévenols ou des systèmes hydrosociaux palestiniens — exprime des manières d’habiter le territoire, de le partager et de le préserver. L’objectif sera d’interroger les formes contemporaines de gouvernance qui, au-delà des contraintes locales, révèlent une même aspiration à reconstruire des communs écologiques et sociaux autour de la terre et de l’eau.
PROGRAMME : 14 Novembre 2025
09 :30 _ 16 :30
Maison de sciences de l’Homme – Université Paul Valery Montpellier III – Avenue saint charles (arrêt Albert 1er)
Quatre regards seront portés sur les territoires, ils permettront de mettre au débat les enjeux d’une lecture croisée des dynamiques actuelles, et des formes possibles d’Agir à l’échelle territoriale.
09h30 – 12h00
« Des oignons doux des Cévennes aux dattes medjoul palestiniennes, l’imbrication de la tenure de l’eau et de la tenure foncière à l’épreuve des transformations globales » Julie Trottier
« « Expérience de mise en place de la REUT dans deux territoires de Cisjordanie aux ressources en eau et en foncier limitées » Thomas Cazalis et Mélanie Ramnuth
14h – 16h30
« Habiter avec l’eau en cévennes » Fabienne Errero
« Foncier et viabilité territoriale en Cévennes, vers un pacte négocié de coviabilité socio-écologique » Olivier Barriere
Au delà de l’animation de la Journée, Amandine Hertzog Adamczewski et William’s Daré éclaireront les débats sur la base de travaux menés actuellement en Cévennes.
Détails de l'événement
Date : –
Lieu : MSH-Sud
Adresse :
Université Paul-Valéry Montpellier 3 — Site St Charles — 271 rue du Professeur Henri Serre 34000 Montpellier
Programme
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