Organisé par :
Pôle Foncier Montpellier ; ART-Dev ;
Journée d’animation thématique Pôle Foncier & ARTdev
Le Brésil et la Côte d’Ivoire sont deux pays forestiers aux fortes dynamiques agricoles soutenues par des politiques publiques très actives. Ce sont aussi deux pays qui ont connu une dégradation environnementale massive durant les dernières décennies pour l’agriculture : au Brésil à travers la mise en culture de vastes espaces par des entreprises agroindustrielles (Cerrado et l’Amazonie), en Côte d’Ivoire via de nombreuses petites et moyennes exploitations familiales et l’afflux de main d’œuvre migrante pour les cultures d’exportation (café, cacao, hévéa, anacarde, etc.). S’il existe depuis longtemps des règlementations pour limiter la progression des fronts pionniers et protéger certaines réserves forestières ou de savanes (ex. code forestier), elles sont restées pendant longtemps peu appliquées (manque d’administration dédiée, d’outils de surveillance, etc.). Or, plus récemment, la progression de l’agriculture sur les espaces naturels (forêts ou savanes) est davantage encadrée par de nouvelles lois environnementales nationales, et de nouveaux dispositifs techniques, impulsées par des dynamiques internationales telles que les normes globales promues dans le sillage de la croissance verte portées par les Etat lors du Sommet de Rio + 20, les engagement en termes de mitigations des émissions de gaz à effets de serre, les systèmes de crédits carbone, ou encore la prévision d’une politique zéro-déforestation adoptée par l’Union Européenne.
Face à ces évolutions, les deux pays se sont engagés dans des processus de recensement, enregistrement, cadastrage ou digitalisation des espaces et des exploitations dans l’objectif de respecter des nouvelles normes environnementales. Les récentes politiques de préservation des forêts par la promotion d’une agroforesterie vertueuse en Côte d’Ivoire et la politique de contrôle des réserves légales dans les propriétés privées au Brésil en sont deux émanations distinctes et dans des contextes très différents avec des effets socio-fonciers contrastés, parfois semblables du point de vue des impacts sur les communautés historiquement usagères de ces espaces. Dans les deux cas, les dispositifs de politiques de lutte contre la déforestation pénalisent certaines activités via la modification des droits sur les espaces-ressources (mise en défens, droit de planter, espèces autorisées, etc.). Elles évoluent dans le temps et sont parfois instrumentalisées par des investisseurs privés, dont les liens avec le secteur agricole sont parfois difficiles à mettre en évidence.
Au Brésil, ces évolutions doivent être replacées dans un processus plus large de financiarisation de l’agriculture, tandis qu’en Côte d’Ivoire, les politiques environnementales et foncières se matérialisent par la fixation de limites figées sur des territoires villageois coutumiers. Ces phénomènes vont dans le sens d’une dualisation dans la représentation de l’espace, des territoires, des terres et de leurs ressources, par les différentes communautés d’acteurs concernés, tant les usagers que les propriétaires ou les administrations en charge du suivi de ces politiques.
Cette journée a pour objectif de discuter de la territorialisation des politiques (environnementales, foncières, agricoles) impulsées par des dynamiques nationales ou internationales et leurs effets locaux. Elle permettra de comparer différentes méthodologies de recherche en sciences sociales (économie, géographie, socio-anthropologie) sur les rapports entre politiques foncières, agricoles et environnementales dans un contexte de globalisation et de financiarisation des investissements en direction des zones rurales : approche en « début de chaine » par les investisseurs, études locales pour saisir les transformations territoriales induites par des changements de normes, focalisation sur les « intermédiaires » entre les entreprises et l’état, recherches documentaires etc. Ces politiques ouvrent en effet le champ à des acteurs nouveaux et à la recomposition des interactions entre acteurs existants. La journée vise aussi à témoigner de l’évolution des outils de recensement du foncier au sein de ces politiques visant les terres, un développement caractérisé par la multiplication des plateformes et bases de données numériques d’une part, par un recours systématique aux outils de la télédétection d’autre part, et enfin, par la production de bases de données de grande envergure, sans accès ou validation démocratique, ni transparence sur les usages finaux. Des outils qui se généralisent pourtant pour accompagner les transformations des systèmes productifs, des structures foncières et des dynamiques environnementales dans les zones de frontière agricole, notamment dans des pays tropicaux comme le Brésil et la Côte d’Ivoire.