Issue de : Séminaire Océaniste SENS-Pôle Foncier ;
En Océanie, la question du foncier coutumier a souvent été abordée sous l’angle de la coutume, de ses fonctions et usages, plus qu’en tant que catégorie spécifique relevant d’une analyse particulière. Cela tient en partie à la place qu’a occupé le référentiel coutumier dans les débats relatifs à la décolonisation et à la construction de nations postcoloniales. Ce registre instrumental a nourri les controverses autour de « l’invention » (de la coutume, de la tradition) qui ont enflammé les cercles académiques et politiques dans les années 1970-90. La négociation de grands projets extractifs (et aussi conservationnistes) constitue un deuxième lieu de déploiement d’une réflexion à visée opérationnelle sur le foncier coutumier : qui sont les ayants-droit éligibles à des compensations diverses, quels sont les espaces concernés ? Or ces enjeux cruciaux pour les nations et les populations concernées révèlent des représentations et des expériences du lien à la terre, des formes d’attachement au lieu et aux générations passées et futures, des manières de construire des valeurs et des savoirs relatifs aux endroits et aux espaces qui appellent une analyse
spécifique, qui contribuera aussi à mieux comprendre la manière dont des « projets » d’ordres divers (construire la nation, développer une enclave extractive, protéger un écosystème) sont négociés.
Pierre-Yves LE MEUR est anthropologue, directeur de recherche à l’IRD, UMR SENS. Il coordonne le GDRI-Sud PACSEN (Pacific Center for Social Responsibility and Natural Resources). Il travaille sur la gouvernance des ressources naturelles (terre, mine, eau) et la pluralité des savoirs associés, dans le Pacifique Sud, et plus particulier en Nouvelle-Calédonie où il est basé depuis juin 2021, après un premier séjour de huit
ans (2008-2015). Ses travaux portent également depuis quelques temps sur l’océan Pacifique comme frontière.