En pays winye (centre-ouest Burkina Faso) chaque communauté possède son style économique propre et définit une grille de droits d’accès et d’usage sur les ressources produites ou prélevées sur son territoire, entre celles qui sont en accès libre (feuilles de baobab au moment de la soudure), celles qui ont un statut de communaux (le poisson des mares sacrées, le gibier des battues collectives), celles qui sont accessibles aux unités d’exploitation et aux individus (terre, poisson des barrages, gibier des chasses individuelles, néré, karité). Pour la pêche, les modes de reconnaissance et de classement des espaces locaux de production dépendent de l’application possible ou non de la notion de valeur travail. Elle ne s’applique pas pour la pêche en marigot sacré, le chef de terre (ou le maître de l’eau) pratiquant au préalable un sacrifice aux génies de l’eau qui fait disparaître toute notion de risque et de travail dans l’activité de capture. En conséquence, le poisson ne peut pas se vendre. Le poisson est vu comme un don de Dieu et le vendre voudrait dire qu’on « se suffit », c’est-à-dire qu’on n’a pas besoin de Dieu pour assurer sa subsistance. Les pêches en marigot sacré sont des occasions festives de rencontre entre villages voisins et de cadeaux de nourriture entre familles. Par contre, la théorie de la valeur travail s’applique (avec certaines limites) dans le cas des pêches par barrages de l’eau (soru), l’investissement consenti pour leur mise en place justifiant la possibilité de vendre la ressource. Pour les activités de barrage de l’eau et de piégeage du poisson, on peut distinguer en outre, deux complexes différents en pays winye. L’un –au sud- est lié à la présence ou à l’influence de maîtres de l’eau. L’autre –au nord- est caractérisé par leur absence et le rabattement de la gestion de la plaine inondée sur les chefs de terre. Cette différence change à la fois le faisceau de droits de l’exploitant sur le produit (prélèvement ou pas) et ses prérogatives sur les moyens de produire. La présence au sud d’une noblesse liée à l’eau, équivalente de la noblesse de terre, a entraîné la création d’un domaine éminent particulier dont les intendants sont les maîtres de l’eau qui ne font que prêter l’espace des barrages. Les chefs de terre du centre et du nord ont appliqué, au contraire, un régime de cession à titre définitif des emplacements de pêche pour des individus méritants et très travailleurs.